lundi 26 mai 2014

Mon Belmondo

 

Jeune, j'ai vu A bout de souffle, cette réussite de Godard, cette mort. Ont suivi Léon Morin prêtre, Tendre voyou, L'Incorrigible, L'Homme de Rio, Le Voleur (je l'aurais rêvé en Arsène Lupin), L'As des as... Aussitôt, amoureuse. De Bébel, du bel Jean-Paul, avec son nez épaté de guingois, sa bouche trop charnue, son sourire juvénile, sa décontraction à mille lieues des jolis minets lisses et guindés.

* à ne pas regarder si vous n'avez pas vu A bout de souffle*

 

De sa silhouette haute et svelte aux belles épaules, de son jeu plein d'élan et d'allant, alliage savoureux d'humour et d'énergie. De ses manières quelque part entre la théâtralité italienne, le boulevard et le vaudeville, de son regard faussement naïf. De son côté jeune chien fou que l'on pourrait facilement sous-estimer, de ses goûts casse-cou, de sa virilité sans la moindre trace de dureté ni de vanité (au contraire de Delon, qui ne m'a jamais donné le moindre frisson...). De son refus évident de peser, de s'abandonner à la mélancolie. De sa manière de courir et de se retourner, de réagir par le mouvement, de ne jamais se prendre au sérieux, de faire ses cascades lui-même.

J'ai lu, et vu les films, encore et encore. Et puis il joue au côté de tant d'actrices que j'aime : Girardot, Riva, Karina, Seberg...
 
Il y a eu le choc Pierrot le fou, son cri coloré ; 
 
le choc aussi d'Un homme qui me plaît, tout en subtilité - un des rares Lelouch qui m'ait conquise...
 

- et cette scène de déception, la plus belle peut-être de notre cinéma, où Girardot semble révéler ce que serait un monde sans des hommes comme lui : un monde sous verre, sans air.  
 

 
Il y a eu la cascade sur métro dans Peur sur la ville, la marche à la mort du Professionnel sur Ennio Morricone.

C'est mon Belmondo à moi, immortel, incarnation du bon camarade et de la sensibilité en apesanteur : aucun ridicule, aucun article people, aucune interview télévisée, aucun hommage mal placé ne pourra me l'enlever. Il reste pour moi un acteur exceptionnellement instinctif, un amuseur qui s'amuse, avec un haut sens du rythme, un séducteur sans prétention, un extraverti sans lourdeur, un corps splendide qui caracole, téméraire ; un idéal d'insouciance ; des regards profonds comme par mégarde.


J'affectionne sa simplicité, sa spontanéité, et certaines de ses manières de voir, tout particulièrement dans cet entretien que je n'arrive pas à retrouver, où il s'insurge contre la médiocrité des programmations proposés dans les quartiers populaires (merci, depuis, à des cinémas comme le Méliès de Montreuil d'avoir vu le jour), et dit qu'on méprise les habitants de banlieue lorsqu'on part du principe qu'ils ne peuvent pas apprécier les films d'auteur.

C'est mon éternel masculin à moi (enfin, l'un d'entre eux).














 


Comme un air de Jack London...
 
L'émission Blow up sur Arte, conçue par Luc Lagié, à la voix si agréable, m'a donc fait bien plaisir, deux fois :


 
Gentillesse, disponibilité, charme, naturel... Tout est dit dans cette interview :
 
 
Dupontel a dit de lui dans une interview qu'il avait eu l'impression de retrouver un vieil ami toujours connu la première fois qu'il l'a rencontré. Il dit aussi : "Belmondo, c'est un goût que tu ne peux pas reproduire." 
 
On peut aussi admirer les clichés de Raymond Cauchetier, LE photographe de la Nouvelle vague...




 
Un homme qui recouvre la parole avec des efforts titanesques et qui sourit, encore, encore. 
Un homme auquel on peut se permettre sans crainte de donner une claque amicale en pleine cérémonie, et qui reste léger, drôle, théâtral. Je l'aime, je l'aime. 
 
Et cette andouille de Delon a dit qu'il n'aurait pas dû faire de retour, secouant la tête avec accablement, donnant des leçons, projetant sa propre vanité, sa propre incapacité à accepter la destinée, à alléger le malheur : Un homme et son chien, c'est le même Belmondo, le même sourire, la même classe, la même discrète sensibilité sociale qui se passe de se proclamer engagée, la même lutte contre la mélancolie et la faiblesse. Alors oui, je termine là-dessus, parce que c'est beau, ça ne m'attriste pas, ça n'annule rien de toute la splendeur qui précède, ça y ajoute.


Et puis, si vous avez le temps, 1h20 de plaisir avec ce documentaire mis en voix par Jean Dujardin, cet OSS directement hérité du Magnifique et de L'Homme de Rio de De Broca : 

Laissons-lui le mot de la fin (inerview de 1972) : "dans le cinéma, on veut montrer qu'on est très profond, mais je trouve que faire le gugusse, c'est déjà pas mal." ^^

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