Connaissez-vous, aimez-vous Jacques Tati ? Quel grand bonhomme ! Sa silhouette dégingandée affublée de l'éternelle pipe, du pantalon trop court et des chaussettes rayées, son vélosolex, son sens du comique inspiré des plus grands du muet... Moi, je l'adore. Or, à l'occasion de la sortie de l'intégrale Tati en DVD, une modeste mais gratuite exposition (prévoir une petite heure maximum)
est visible à la bibliothèque sise dans l'ancien célèbre music-hall L'Alcazar (ce qu'il n'aurait sans doute pas renié!), à Marseille.
Tati, comme beaucoup de grands comiques, est un excellent analyste des travers de la société de son temps. De l'envahissement des choses et de la technique pendant les Trente Glorieuses (comment ne pas penser à Pérec, à Vian, à Calvino?), de la déconnexion entre l'homme moderne et la vie simple... de Mon oncle à Playtime (ses deux meilleurs à mon goût).
Il a toujours rendu hommage aux grands du muet qui lui apprirent tout, selon ses propres mots. Une anecdote : à Hollywood, alors qu'on lui demandait avec quelle actrice il aimerait passer la soirée, il réclama quelques stars du comique muet. En le regardant jouer de sa silhouette, de ses accessoires, de la raideur bourgeoise opposée à la tendresse, on pense à Chaplin, bien sûr... mais il a du Buster aussi, dans le cocasse et l'absurde, et parce que M. Hulot rit rarement. Ce sont ses spectateurs qui le font.
Comme il le dit, à propos de Mon Oncle : "J’ai défendu le petit quartier, le coin tranquille, contre les
autoroutes, les aérodromes, l’organisation, une forme de la vie moderne,
car je ne crois pas que les lignes géométriques rendent les gens
aimables." (ni les meubles confortables, comme le montre bien le film !).
Il n'est que de comparer les deux maisons symboliques du film pour tout voir, tout comprendre...:
J'en connais des presque comme ça à Nantes... |
Une jolie petite expo où vous retrouverez de bonnes photos, des affiches originales venues de plusieurs pays, le vélomoteur, et même la fontaine-poisson de Mon Oncle ! Et puis, un écran où revoir quelques morceaux d'anthologie, comme le capot de voiture essayant d'attraper une roue, le fol ballet des cyclistes, ou la publicité minceur dans laquelle une grosse dame glisse du plongeoir...
Le plus intéressant sera sans doute la rétrospective qui aura lieu en septembre : saviez-vous que Jour de fête a été tourné en couleur, mais que les salles françaises ne purent le projeter qu'en noir et blanc ? La version restaurée en couleur fut projetée pour la première fois en 1995.
Un magnifique sens du rythme, de l'absurde et de la dérision... et pourtant, en filigrane, une mélancolie, une nostalgie plutôt, celle d'un monde en voie de disparition confronté aux aberrations technologiques qui nous éloignent de l'essentiel : la camaraderie, le rire, le partage. Un savoureux mélange qui vieillit très bien.
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