Dans une loge, en plus, ce qui était nouveau pour moi ; tout est dans le jus XIXe, tissu mural, banquette et miroir au fond... Il n'y a pas grand effort à faire pour se sentir dans un roman réaliste et constater combien, depuis ces petits paniers à mondanités, l'on voit la salle encore mieux que la scène! Et, lorsque la lumière s'éteint, une sorte de nuit étoilée de téléphones portables, assez jolie... et très éphémère, le public étant bien élevé !
Cela fait longtemps que je rêvais de voir pour de vrai des ballets de ce chorégraphe tchèque, longtemps directeur artistique du Nederlands Dans Theater, que j'admire énormément. Je les avais découverts, lui, son travail et sa gentillesse, dans le documentaire Tout près des étoiles de Nils Tavernier.
Ses chorégraphies, plus symboliques que narratives, pleines d'une énergie qui prend son temps, reposent toujours sur une scénographie aux couleurs, lumières et espaces très travaillés. Les musiques peuvent être très variées (ce soir-là, du classique et du contemporain).
Les danseurs se trouvaient sur le plateau avant le début du spectacle, avec une belle présence des silhouettes disséminées çà et là.
La soirée comprenait trois ballets, que j'ai tous autant aimés dans leur diversité. Les deux derniers entraient au répertoire de l'Opéra de Paris avec cette série de représentations.
- Bella Figura
A travers plusieurs petites pièces composées sur des morceaux baroques variés, dont le Concerto pour deux mandolines et cordes de Vivaldi, que les fans de Guillaume Gallienne reconnaîtront sans peine :), J. Kylian nous propose une réflexion sur la représentation, le jeu, théâtral et social ; l'écart entre ce que l'on croit voir et ce qui est, ce que l'on croit être et ce qu'on est.
A travers plusieurs petites pièces composées sur des morceaux baroques variés, dont le Concerto pour deux mandolines et cordes de Vivaldi, que les fans de Guillaume Gallienne reconnaîtront sans peine :), J. Kylian nous propose une réflexion sur la représentation, le jeu, théâtral et social ; l'écart entre ce que l'on croit voir et ce qui est, ce que l'on croit être et ce qu'on est.
La lumière, les couleurs rougeoyantes des jupons au-dessus des torses nus et des flammes, la musique installent une ambiance exotique et sensuelle, traversée par des tensions, des jeux de bras rapides, graphiques et tendus, ainsi que des pas de deux d'une grande modernité (la manière dont les hommes font avancer les femmes, dont les femmes avancent sur les hommes !), en lingerie chair et justaucorps résille.
Sans narration, par le seul truchement des corps, le jeu mondain devient atemporel.
L'étoile Alice Renevant, dans ses jeux avec le rideau et par tout son travail des bras, m'a particulièrement fascinée, de même qu'Eve Grinsztajn (première danseuse) et Dorothée Gilbert (étoile), très expressives.
la-croix.com
monacoreporter.com
Avec la voix de Samuel Beckett ("Comment dire ?") et la pianiste Tomoko Mukaiyama surélevée sur scène, du clair-obscur, des rugissements, du maquillage et des mimes comiques, du papier bulle pétaradant. Du Mozart, des impros et du Dirk Haubrich. Des glissades et une butée contre le rideau. Des pas de trois vraiment innovants, aux portés splendides. Du poids, de la honte, et toujours de l'allant pour dire avec son corps le monde comme il nous malmène, bien vivants.
jirikylian.com
flickr.com
gwarlingo.com
- Symphonie de psaumes
Sur des airs de l'opéra du même nom d'Igor Stravinsky, dans un décor somptueux - divin ? - de tapis persans contrastant avec les prie-dieu et les costumes sobres, presque austères, les danseurs (Marie-Agnès Gillot, Florian Magnenet et Hugo Marchand étaient magnétiques) mêlent joie et dévotion, dans une composition particulièrement dramatique (au sens de l'action, de la théâtralité comme sources d'émotion).
J'ai notamment en mémoire une avancée qui en abandonne quelques-uns en route, et des marches ralenties. De l'effort, encore, et de la beauté toujours.
classictoulouse.com
culturebox.francetvinfo.fr
kulturkompasset.com
Ces propos de Kylian sont cités dans le programme :
et je trouve effectivement que de ses œuvres émane beaucoup de naturel, de fluidité et de spontanéité, même dans les heurts.
Libérés de toute entrave inutile, dans la (belle) simplicité des costumes, les danseurs semblaient particulièrement inspirés, et ne contraindre leurs corps que par les émotions.
Kylian interroge souvent les tensions et l’équilibre entre hommes et femmes, notamment à travers la variété des portés, et notamment encore dans un autre très beau ballet, Petite mort (même musique que Le Parc de Preljocaj, comme quoi cet Adagio de Mozart inspire
des pas de deux merveilleux) :
Envoûtants, les ballets de J. Kylian enthousiasment et laissent songeurs. Ils offrent une palette impressionnante en même temps qu'une grande liberté aux danseurs, dans un style épuré qui n'a pas pris une ride... J'espère que cet article vous donnera envie de découvrir ses prochaines œuvres.
J'en profite pour ajouter un petit post scriptum sur le film Polina : du peu que j'en ai su et vu, ce film donne une image caricaturale à l'extrême de l'opposition entre ballet classique et contemporain (comme la bande dessinée, dans ce cas), alors que le second se nourrit sans cesse du premier, qu'aucune danseur actuel ne se cantonne au pur ballet classique d'antan, et que les deux exigent autant de travail et d'effort, même s'il est vrai que le contemporain offre parfois plus d'espace à l'interprétation (voire à l'improvisation) du danseur. Bref, foin des antagonismes forcés, et ce n'est sans doute pas Jiri Kylian qui dirait le contraire.
2 commentaires:
Eh bien ça donne vraiment très envie !
Merci pour la découverte, c'est sublime... et tu en parles très bien.
Sais-tu quelle est la musique qui accompagne la vidéo de Tar and feathers que tu as postée ?
C'est très beau, et ce piano transformé en échassier, c'est impressionnant !
Merci ! Pour te répondre, je pense que ce sont les impros de la pianiste japonaise.
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