samedi 8 novembre 2014

Made in Cachemire ?

Le cachemire, ou cashmere, est d'abord une région montagneuse de l'Inde. Il est devenu le nom, par association, d'une matière noble entre toutes, fine et douce, longtemps réservée aux plus riches (et aux 47 ans de mariage). Sa production et sa distribution se sont développées en Europe, ainsi qu'aux Etats-Unis et au Japon, au XIXe.
Il s'agit d'une matière endogène, exclusivement issue de la laine des chèvres de cette région du monde qui va du nord du Cachemire indien à l'extrême est du Tibet chinois.
Les splendides chèvres qui nous offrent ce cadeau vivent à plus de 4000 mètres d'altitude. Pour obtenir la laine, leur pelage d'hiver (conçu pour les protéger des froids et des vents les plus glacials) est brossé, afin de n'extraire que les poils les plus longs et les plus doux. Il est ensuite trié, puis nettoyé. Le tout à la main, et bien plus de douceur pour les animaux, puisque contraitement aux autres laines, le cachemire ne nécessite pas de tonte.
Après un acheminement montagnard en caravane (tout un rêve aventurier), les poils sont filés puis tissés sur un métier en bois. Pour passer du blanc cassé aux couleurs profondes et brillantes qui sont le signe inégalable de leur origine entièrement locale et artisanale (voir les photos ci-dessous), les étoffes sont teintes dans de grands seaux d'eau et de colorants naturels. Le tout selon des traditions ancestrales, que seuls les autochtones pratiquent et entretiennent.
Tout a donc l'air pour le mieux, et vous vous sentez soudain très fièr.e de votre achat.
Mais... combien l'avez-vous payé ? Pas cher, vous dites-vous, ravi.e. Autrefois réservés aux plus aisés, les vêtements en cachemire se retrouvent dans des enseignes type Monoprix, Uniqlo, etc. ; bref, se "démocratisent". Hélas, votre vieille grand-mère a dû vous l'apprendre, dans la vie, tout a un prix :
- les tissus sont teints plus loin dans la chaîne de fabrication, de manière non naturelle ;
- le filage et le tissage deviennent mécaniques et se font en usine ;
- la sélection est relâchée (poils plus courts, plus larges, plus gras). 
résultat : une qualité médiocre, qui se distend et bouloche dès les premiers (même  précautionneux) lavages, alors que les cachemires traditionnels embellissent à chacun.
- pour les éleveurs, une hausse du revenu quantitatif (ils produisent et vendent davantage car la demande augmente, évidemment) mais une baisse du revenu moyen : on les paie de moins en moins.

J'apprends d'ailleurs grâce à Wikipédia qu'il existe une expression populaire anglaise, british cashmere, qui désigne un mensonge grossier, ou un attrape-nigaud. C'est dire...

Bref, les miracles n'existent pas : le plus beau cachemire reste rare et très cher, il ne se "démocratise" pas, sauf si démocratiser signife détruire un peuple (et une région) pour s'offrir un ersatz à bas prix. 
Ce n'est pas non plus écologique, car les dégâts ne s'arrêtent pas là : la production annuelle moyenne par chèvre, sans forcer, est de 150 grammes (c'est bien cette rareté qui la rend si coûteuse). Or, si ce commerce permet aux bergers Mongols de vivre et de faire vivre leurs traditions (ils sont nomades), à présent l'élevage devenu intensif est à l'origine de surpâturage, d'une rupture de l'équilibre des espèces qui permettent aussi à ces bergers de vivre, d'une importante désertification de la province de la Mongolie Intérieure (la Mongolie est le 2e producteur mondial après la Chine), et à sa suite de l'accroissement de vents poussiéreux qui déferlent bien au-delà de cette seule région. Là-bas, tout est plus grand, plus extrême, et les destructions galopent donc plus vite aussi... Et ce n'est pas une préoccupation d'européen.ne lointain.e qui pense à la nature avant de se soucier des travailleurs, au contraire : c'est encore le producteur qui l'aura dans l'os, puisque la province, affolée par les dégâts, impose à présent des restrictions.
A lire ici, pour finir, un témoignage sur la fabrication. 

Pour autant, les premiers frimas donnent bien envie de se lover douillettement dans un pull fin, doux, et chaud. Et ça vaut le coup, car tout un peuple, un beau peuple, vit de ce commerce. Mais encore une fois, consommation sans conscience n'est que ruine du monde...
L'on peut donc, à la japonaise, prendre le temps d'économiser pour s'offrir LA pièce, et le jour venu se fier à quelques filières, au lieu de se jeter chez Bompard (qui n'est plus à la hauteur de sa réputation) ou pire... :

- attendre que le label élaboré par l'ONG AVSF voie le jour



- faire un tour chez Kapra Hiska Cashmere (43 rue de Turenne, dans le 3e à Paris), pour admirer les couleurs et la douceur, discuter avec le patron, prendre des notes pour plus tard... :


Le bilan carbone n'étant de toute manière pas jojo, je préfère attendre et acheter une ou deux très belles pièces, pour la vie !

Conseils de lavage : Vous pouvez les laver toutes les trois ou quatre utilisations. Le mieux est un lavage à la main ou un programme berce-laine/à la main (30° maxi) avec une lessive adaptée aux laines.
Surtout, pas d'essorage ni de séchage suspendu (ça déforme) : posez-le à plat, par exemple sur une serviette de bain pliée (avec laquelle vous pouvez le presser, afin qu'il sèche plus vite).

Allons allons, ne vous découragez pas : puisqu'on vous dit pas trop souvent, et qu'il embellira.

Sur ce, je vous souhaite de beaux frimas. Sans cachemire, on trouvera bien d'autres moyens de se réchauffer...

3 commentaires:

Cél a dit…

Ils me disent quelque chose, ces beaux cachemires... Merci de ce doux rappel! ;-) D'autant plus que là, avec les températures qui commencent à chuter, imaginer se lover à l'intérieur, mm!

Iliana a dit…

Merci pour cet article intéressant !
C'est toujours bon de savoir d'où viennent, et comment sont faits les produits qu'on nous vante, et/ou qu'on aime.
Là, j'avoue qu'avec le froid et le vent qui reviennent, ça donne sacrément envie de chaleur et de douceur :)

Anonyme a dit…

en attendant le website de KAPRA HISKA Cashmere
voici la page facebook:https://www.facebook.com/kaprahiska