mercredi 28 mai 2014

Deux jours une nuit : angoisses et lumières d'une vie ordinaire

Le dernier film des frères Dardenne vous chamboule avec une économie de moyens impressionnante.


Cette oeuvre ne dépare pas leur belle filmographie, toujours subtile, sensible, poignante sans effets inutiles. Les personnages sur la corde, la tension des regards, des voix, des corps fatigués ou révoltés, sont le matériau bien suffisant à faire monter les larmes, à bouleverser en douceur... en toute humanité. Et sans pathos, bien entendu.


Une bande-annonce à fleur d'instant et de peau, comme le film :



(La belle chanson : "La nuit n'en finit plus", reprise par Petula Clark à partir de "Needles and pins" de The Searchers)

Une femme, épouse et mère,  tout juste sortie de dépression, apprend qu'elle est licenciée car ses collègues ont dû choisir entre son poste et leur prime. Attention, ce résumé pourrait tromper : aucune trace de manichéisme ne vient caricaturer la farouche réalité (à part, peut-être, concernant le plus jeune employé, fils d'un autre).  
 
Sandra dispose d'un week-end pour puiser dans ses fragiles forces et les convaincre de changer leur vote.

Sandra face à Timur (Timur Magomedgadzhiev)

Même (surtout?) si vous n'appréciez habituellement pas Marion Cotillard (mais avez-vous vu De rouille et d'os ?), allez-y. Comment ne pas être emporté par ce rôle qui la dépouille et lui confère une force brute, qui remonte par à-coups des tréfonds de son corps, tout au bout d'elle-même. Si juste. Tous si justes que le mot ne convient plus : chacun est ce qu'il est, et non ce qu'il doit être. Y a-t-il eu des consignes, de la composition ? Elles ont disparu. 
L'actrice a pris un léger accent belge, dont on peut penser qu'il lui est venu naturellement, au fil du tournage. Et l'on pourrait presque croire, finalement, à un documentaire sans commentaire, à une caméra cachée (instable mais pas trop, à l'épaule par moments, mais pas trop, contrairement à celle de Rosetta, par exemple), destinée à suivre le drame ordinaire des âmes déstabilisées par le besoin.


 Le casting (y compris celui des maisons, et des portes d'entrée !) est parfait.


En guise de conclusion : j'aime toujours plus les Belges et leur cinéma, qu'il soit social ou déjanté, ou les deux. 
 
Un grand coup de chapeau à tous les autres acteurs - mention spéciale pour Fabrizio Rongione, le mari, y compris les plus petits rôles : épouse à la porte, médecin, enfant guide le temps d'une minute... Tous sont intenses, en toute simplicité.

2 commentaires:

Iliana a dit…

Tout ce que tu écris est très juste et correspond exactement à mon ressenti.
Honnêtement, Marion Cotillard, je ne l'aime pas du tout (même si je partage ton avis sur De Rouille et d'Os), mais j'ai moi aussi été bluffée par son jeu (ou absence de jeu ?).
Bon... jusqu'à la trouver assez irritante (la faute à son personnage, pas à elle), mais j'ai eu bien souvent les larmes aux yeux.
Comme tu le dis toutes les personnes rencontrées (sauf le fils peut-être) sont d'une grande justesse, d'une grande délicatesse, juste là où il faut, et on a l'impression de croiser la vie de ces gens qui, tous à leur façon, sont extrêmement touchants. Même dans leurs refus, même dans leur lâcheté.
Quant à la fin, elle est assez bluffante, et c'est fort d'avoir réussi quelque chose de ce genre avec... un sujet de ce genre !
Bref, encore un grand film des Dardenne.
C'est étonnant, d'ailleurs, de voir qu'à chaque fois, c'est le même film, les mêmes rues, les mêmes gens, le même quotidien sans misérabilisme, et sans bons sentiments non plus, et pourtant un film toujours différent, et toujours juste. La vie en fait.

Manon Naïs a dit…

Merci pour ce beau complément à ce que j'ai pu dire, Iliana ! :-)