vendredi 3 novembre 2017

Patrimoine en fleurs : Pierre-Joseph Redouté & ses contemporains

A l'occasion des Journées du patrimoine de septembre dernier, le Muséum d'histoire naturelle organisait une visite autour du dessinateur Pierre-Joseph Redouté, le "Raphaël des fleurs", couplée à l'exposition qui avait lieu au Musée de la vie romantique.
L'occasion de découvrir, avec la commissaire de l'exposition, le travail extraordinaire de cet homme sur des vélins fragiles et peu exposés, ainsi que quelques connaissances sur les roses.
Il est possible d'observer une grande partie de son travail numérisé EN LIGNE.

P-J Redouté, Thymélie des Alpes

Au Muséum, je n'ai pas pris de photographies, mais au Musée de la vie romantique je m'en suis donné à cœur joie, d'autant que le soleil brillait, et que Redouté n'était pas le seul peintre exposé.

Pierre-Joseph Redouté (1759-1840) a étudié le dessin durant dix années, dans les Flandres. Il s'installe à Paris en 1783 et se spécialise dans la peinture botaniste, collaborant avec les naturalistes qui classifiaient les espèces, à l'âge d'or de la découverte de nouvelles espèces, en raison de l'évolution de la science et des explorations du globe : des milliers de plantes sont rapportées de tous les continents ; Carl von Linné (1717-1778) fonde la nomenclature binominale en 1753 ; le travail afflue.

 Gérard Van Spaendonck, Corbeille et vase de fleurs, 1785 (détails)
(Ce tableau extraordinaire de réalisme et de finesse avait suscité l'admiration du tout Paris des Lumières).

Remarqué par son professeur Gérard Van Spaendonck pour sa virtuosité technique, mais aussi pour la vibration artistique qui anime ses dessins, Redouté est choisi pour travailler à la Collection du Roi, puis, en 1793, entre au Muséum national créé suite à la Révolution.

P-J Redouté, Poirier

Il enseignera également le dessin à partir de 1795.

En 1803, Joséphine Bonaparte lui commande un album sur le jardin de la Malmaison. Il devient en 1805 Peintre de fleurs de l'Impératrice, passionnée par la botanique.

 Bouquet de roses Cent-feuilles
connues dès l'Antiquité ; l'Impératrice en possédait trente variétés. 

Il publie des recueils à succès, travaux monumentaux de plusieurs années, notamment sur les roses et les liliacées (le plus beau selon moi, édité en 1808).


Ces recueils sont des livres immenses, imprimés page par page, et paraissant en fascicules souscrits à l'avance, pendant des années.
Redouté s'appuie sur les fleurs vivantes pour les couleurs, travaille essentiellement à l'aquarelle sur vélin (peau très fine issue d'un petit veau) et développe une technique inventée peu de temps auparavant en Angleterre, et novatrice pour le dessin botanique : la gravure au pointillé.
Cette technique délicate consiste à inciser des points fins, avec une roulette, sur la plaque de métal. Cela permet d'obtenir un dessin très précis, des ombres, des dégradés, tout en appliquant simultanément l'ensemble des couleurs : ainsi on gagne en temps et en nuances.
Papaver somniferum

La plupart des aquarelles sont retouchées ou rehaussées, une par une, à la main : on imagine le temps de travail... Neuf années en tout pour les roses, par exemple.
 - Il est à noter qu'au départ, les dessins n'étaient faits qu'au lavis d'encre noire, car on craignait que la mise en couleur ne dissimule les détails. En observant les premiers dessins, on peut comprendre cette impression, notamment pour les tiges et les feuilles. -

Tout au long de sa carrière (les finances ne sont pas toujours au beau fixe, surtout après la fin de l'Empire), il exécute et vend également des compositions, des bouquets.

Bouquet de fleurs : roses à fleurs doubles, marguerites blanches et jaunes et jasmin blanc

Ses dessins ont notamment servi de modèles à la manufacture de Sèvres, mais aussi à d'autres créateurs de porcelaine, textile ou papier peint.

L'exposition était également l'occasion de découvrir les œuvres d'autres artistes de grand talent, notamment féminines, puisque les fleurs et natures mortes étaient des sujets jugés convenables pour elles et en vogue dans la bonne société sous la Restauration. J'ai particulièrement remarqué le travail d'Elise Bruyère (1776-1842), première femme médaillée pour une peinture de fleurs, avec ces Fleurs dans un vase et branche de prunier - et première femme à entrer au musée du Luxembourg. Les prunes sont vraiment...

En haut de cette composition, on remarque des fleurs de fritillaire, ou couronnes impériales, qui sont associées à Marie-Louise d'Autriche, épouse de Napoléon Ier, et que l'on retrouve souvent dans les toiles du début du XIXe. Redouté les a peintes :

et on les retrouve également dans une toile de Prud'hon, premier portrait autorisé de Napoléon II encore nourrisson (détail) :


Autre peintre fascinant, Antoine Berjon (1754-1843), un peintre de fleurs et natures mortes hors du commun, contemporain de Redouté, formé par un sculpteur et un agronome. Ses dessins étaient utilisés comme modèles pour les soieries et tissus lyonnais.

Ci-dessous :
- Fleurs sur un fond blanc (huile sur toile).
- Pavots (1825) : pierre noire, sanguine, rehauts de craie blanche sur papier chamois.
- Fleurs et fruits dans une corbeille d'osier (Composition monumentale, en grandeur réelle. Le souci d'illusion et de précision est poussé au plus haut point ; toutefois, le cartel fait remarquer que le peintre s'est permis d'associer tulipe et coquelicot, qui ne fleurissent pas à la même saison).


Quant à ce musée, si vous ne le connaissez pas, c'est un véritable havre de paix, avec ses pavés, ses volets verts, sa végétation (roses, lierre, ...), où il fait bon bouquiner en terrasse avec un thé et un gâteau de la jolie cafétéria, aux beaux jours.


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