"Sale temps", "temps pourri", ... souvent, ces expression pleuvent dès le premier matin de pluie, que ce soit à Paris, en Bretagne ou dans le Sud, et quand je fais remarquer qu'il y en avait besoin : "C'est vrai...". Il fait toujours trop froid, trop chaud, trop humide... Réjouissons-nous plutôt de cette belle variété de climats (et donc de paysages) dans notre pays qui, même s'il connaît quelques tempêtes, est plutôt privilégié.
Mais bien sûr, notre humeur influe aussi sur la manière dont on ressent le temps... On ne supporte pas le soleil par une belle journée de rupture, et on aime la pluie du premier baiser... Rappelle-toi, Barbara.
La pluie diffère, adoucit, ralentit, et surtout berce. Son bruit sur l'eau, sur les feuilles, sur le zinc, sur le vélux, rend le monde présent, résonnant. L'humidité de l'air donne écho à tout. Et après, après, le beau temps sans doute, mais surtout des ciels lavés et traversés de lumière diffractée, des arcs-en-ciel. Sur le blog sont disséminés quelques-uns que j'ai eu la chance de contempler en Loire-Atlantique, en Irlande, ou encore à Lacanau.
Je conseille cet essai, qui distille de belles pensées sur le lien de la pluie à la peinture, à l'éphémère, au repos, au brouillage... et de belles citations, de Brel à ce beau haïku de Chiyo Ni :
Lisons Paul Claudel :
Par les deux fenêtres qui sont en face de moi, les deux fenêtres
qui sont à ma gauche, et les deux fenêtres qui sont à ma
droite, je vois, j’entends d’une oreille et de l’autre tomber
immensément la pluie. Je pense qu’il est un quart d’heure
après midi : autour de moi, tout est lumière et eau. Je porte ma
plume à l’encrier, et jouissant de la sécurité de
mon emprisonnement, intérieur, aquatique, tel qu’un insecte dans
le milieu d’une bulle d’air, j’écris ce poème.
Ce n’est point de la bruine qui tombe, ce n’est point une pluie languissante
et douteuse. La nue attrape de près la terre et descend sur elle serré et
bourru, d’une attaque puissante et profonde. Qu’il fait frais, grenouilles, à oublier,
dans l’épaisseur de l’herbe mouillée, la mare !
Il n’est pas à craindre que la pluie cesse ; cela est copieux, cela
est satisfaisant. Altéré, mes frères, à qui cette
très merveilleuse rasade ne suffirait pas. La terre a disparu, la maison
baigne, les arbres submergés ruissellent, le fleuve lui-même qui
termine mon horizon comme une mer paraît noyé.
Et Francis Ponge :
La pluie, dans la cour où je la regarde tomber, descend à des allures
très diverses. Au centre c'est un fin rideau (ou réseau) discontinu,
une chute implacable mais relativement lente de gouttes probablement
assez légères, une précipitation sempiternelle sans vigueur, une
fraction intense du météore pur. A peu de distance des murs de droite
et de gauche tombent avec plus de bruit des gouttes plus lourdes,
individuées. Ici elles semblent de la grosseur d'un grain de blé, là
d'un pois, ailleurs presque d'une bille. Sur des tringles, sur les
accoudoirs de la fenêtre la pluie court horizontalement tandis que sur
la face inférieure des mêmes obstacles elle se suspend en berlingots
convexes. Selon la surface entière d'un petit toit de zinc que le
regard surplombe elle ruisselle en nappe très mince, moirée à cause de
courants très variés par les imperceptibles ondulations et bosses de la
couverture. De la gouttière attenante où elle coule avec la contention
d'un ruisseau creux sans grande pente, elle choit tout à coup en un
filet parfaitement vertical, assez grossièrement tressé, jusqu'au sol
où elle se brise et rejaillit en aiguillettes brillantes.
Chacune de ses formes a une allure particulière : il y répond un
bruit particulier. Le tout vit avec intensité comme un mécanisme
compliqué, aussi précis que hasardeux, comme une horlogerie dont le
ressort est la pesanteur d'une masse donnée de vapeur en précipitation.
La sonnerie au sol des filets verticaux, le glou-glou des
gouttières, les minuscules coups de gong se multiplient et résonnent à
la fois en un concert sans monotonie, non sans délicatesse.
Lorsque le ressort s'est détendu, certains rouages quelque temps
continuent à fonctionner, de plus en plus ralentis, puis toute la
machinerie s'arrête. Alors si le soleil reparaît tout s'efface bientôt,
le brillant appareil s'évapore : il a plu.
Giono :
Le jour s’assombrit peu à peu. La pluie commença par n’être qu’une fine mousseline tiède, puis, s’écroula en blocs de plus en plus pesants pendant une quarantaine d’heures ; sans rage ; avec une sorte de paix tranquille. Enfin, il y eut un coup de tonnerre magnifique, c’est-à-dire avec une belle déchirure rouge et tellement retentissant que les oreilles s’en trouvèrent toutes débouchées. Le ciel s’ouvrit. De chaque côté de la fente des châteaux vertigineux de nuages s’étagèrent et le ciel apparut azuré à souhait. À mesure que les châteaux de nuages s’éloignaient l’un de l’autre découvrant de plus en plus du ciel, l’azur vira au bleu de gentiane et tout un ostensoir de rayons de soleil se mit à rouer à la pointe extrême des nuées.
Et puis la pluie, ce sont des souvenirs de cinéma inoubliables : tout Blade Runner, la fin de Diamants sur canapé et d'Amadeus, un adieu sans mots dans Sur la route de Madison, plus récemmment un retour à la maison dans Parasites, et tant d'autres...
Bien sûr, je ne pouvais pas ne pas terminer par une petite potion magique bien connue, qui permet de résister encore et toujours à l'apathie. Gene comme un génie sorti de la lampe, and I'm happy again... La joie, les jeux enfantins, la dérision légère à l'égard de l'ordre établi, l'aisance du corps, ce timbre... 4' de pur plaisir.
Et bonnes saucées !
2 commentaires:
Joli article , merci !
Donne envie de se replonger dans toutes les belles évocations de la pluie en chanson ou en poésie...
Oui, n'hésite pas à partager quelques idées de titres en commentaire !!
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