jeudi 19 février 2015

WHIPLASH

 

 Bon bon bon, ça fait trois jours que je tressaute, danse et vibre en écoutant ceci :

 

je suis donc mûre pour parler de ce film aux accents de thriller, entre deux solos de batterie.

Damien Chazelle (nom bien français pour un américain!) avait d'abord réalisé un court-métrage primé, il en a fait un long-métrage électrisant.

D'aucuns lui reprochent de "tourner autour d'une seule et même scène", mais cet entêtement me semble être l'essence même du film. Deux heures en état de tension permanent devant ce duel entre deux personnages (acteurs...) exceptionnels, et le régal d'une musique emballée... On entend peu de morceaux différents pendant le film, mais j'ai aimé cela, car on s'en imprègne complètement.

Encore une bande-annonce visible, on progresse ces temps-ci !

Certes encore, le plaisir de jouer de la musique sans pression et la variété des styles sont absents du film... mais c'est bien son propos, il me semble : lancer une réflexion sur les avantages et les inconvénients d'un travail obsessionnel de la technique et de la virtuosité, sur la concurrence dans l'école, qui casse toute idéalisation de l'artiste, et sur les enseignants charismatiques et tentaculaires qui vous marquent pour le meilleur et pour le pire (un type de personnage plus souvent traité dans les films sur la danse). 
 
 
J.K Simmons en campe un de première force. Artiste de la manipulation, tyran jouissant de son pouvoir, il dévide les pires insultes homophobes, sexistes et antisémites avec le débit d'une mitraillette, à un point qui déclenche le rire. Certes, le film n'est pas moral, mais il ne faut pas le diaboliser non plus : j'ai été surprise par certaines critiques qui l'accusent de proposer un "modèle douteux". Il faut vraiment être à côté pour croire que ce professeur est présenté, filmé, dialogué comme un modèle ! Il est une figure correspondant à une réalité, horrifiante et fascinante. Rien dans le film ne prouve qu'un autre enseignement n'aurait pas mené au même résultat, et bien des éléments montrent que ce prétendu modèle peut détruire ce qu'il se vante d'atteindre. Si quelque chose est finalement gagné, c'est malgré l'enseignant, et non grâce à lui. (Bien entendu, tout aussi étrange me semble la critique de Femme actuelle qui célèbre des "valeurs positives" et une "oeuvre solaire", il n'est pas possible que cette personne ait vu le film !)  
 
Le scénario part donc d'une réalité possible, et la transforme en oeuvre d'art : le montage est aussi tendu, aussi frénétique que le scénario (beaucoup de gros plans, de champs-contrechamps, ...), et nous épuise littéralement en même temps que le brillant apprenti.
 
Ce qui est sûr, c'est qu'en nos temps de "Star Ac" et autres aberrations médiatiques, qui nous éloignent du motif de l'artiste bourreau de travail, le film rappelle que le talent, c'est beaucoup de travail... et que l'artiste génial mène toute sa vie un travail de fourmi à bouchées doubles, dans l'insatisfaction quasi permanente, et parfois dans l'excès, l'obsession, l'oubli des autres et l'autodestruction. Le film va loin dans la souffrance morale et physique, mais n'est-ce pas la réalité du harcèlement et de la manie ? Rien ne m'a paru sonner faux, à partir du moment où on accepte l'idée que le film ne livre ni un modèle ni une vérité générale, mais un destin particulier (comme toute bonne oeuvre, non ?). 

Sorti des blockbusters, Miles Teller donne toute sa mesure, c'est le cas de le dire... Il est parfait, tout en nuances dans un rôle à risque monolithique : celui d'Andrew, jeune homme talentueux mais peu soutenu dans son rêve ; un ambitieux prêt à tout, qui a besoin d'un mentor et de souffrir pour être satisfait de lui. Pourtant, ses regards opaques et fixes nous laissent toujours le doute sur ce qu'il pense, sur sa prochaine réaction... 
Miles Teller joue lui-même 70 % des morceaux de musique, et c'est déjà beaucoup... Quant au solo final, il est à la hauteur de l'idole du personnage, Buddy Rich.


Autre réussite : l'impression de quasi huis clos qui se dégage du film, et révèle en filigrane à quel point les artistes peuvent parfois être hors du monde extérieur, l'oublier quasi totalement. 

Les rôles secondaires sont magnifiquement joués, et je parie que la musique saura emporter même ceux qui n'aiment pas le jazz. Vous verrez que vous resterez assis du début à la fin du générique, pour grappiller jusqu'à la dernière note envoûtante !


3 commentaires:

Grégory a dit…

Les insultes nous ont fait réagir, mais surtout pouffer de rire et nous délester pendant quelques secondes de la tension quasi-permanente de nous fessiers au dessus de nos sièges!

Manon Naïs a dit…

Ah oui oui c'est vrai que je ne l'ai pas mis dans le commentaire, mais il va si loin et il est si convaincant que j'ai ri plusieurs fois. :-)

Cél a dit…

Alors ce film, je VEUX le vooooooiiiir!!! :) Merci pour ce partage qui ne fait que confirmer mon envie et la transformer en impérieuse nécessité!