mercredi 2 janvier 2019

Romances inciertos : baroque espagnol, peinture vivante et danse transgenre




Romances inciertos (romances incertaines) est le titre d'un spectacle (musique, chant et danse), joué en Avignon et à Chaillot en 2018, qui mêle différentes traditions espagnoles des XVIe et XVIIe siècles.


François Chaignaud, le comédien danseur et chanteur, est assez incroyable : il peut chanter avec une voix de fausset ou plus grave, et même dans d'improbables postures. Il peut danser sur talons courbes de 12 cm, sur échasses, sur pointes.

Le spectacle est traversé par le travestissement et la métamorphose provocante, à la croisée des genres : femme soldat qu prie la mer de l'emporter, saint féminisé chantant un air ancien des Asturies, gitane virile, héros mythologique à la voix soprano...  Il nous fait oublier ce qui distingue les êtres et ne laisse que ce qui les rassemble : recherche de la grâce jusqu'à l'excès, douleur que l'on recherche, détourne ou sublime, révolte des sens, besoin de mise en scène et de spectaculaire, d'humour aussi.


La musique est envoûtante, surtout si l'on découvre cet univers qui marie viole de gambe, bandonéon, théorbe ou guitare baroque.
Le percussionniste, Pere Olivé, est assez fabuleux, quels que soient ses drôles d'ustensiles, ses castagnettes, ses mains...
Les autres musiciens : Pablo Zapico au théorbe et à la guitare baroque, Jean-Baptiste Henry au bandonéon, François Joubert-Caillet à la viole de gambe.

Costumes et éclairages font de ce spectacle une suite de tableaux vivants, suresthétisés ; ils accèdent paradoxalement à l'authenticité par leur artificialité exhibée. Il suffit d'attendre que l'artiste polymorphe entre dans le cadre.




Nino Laisné (mise en scène et direction musicale)


Le spectacle est sous-titré Un autre Orlando, en référence au personnage de Virginia Woolf, lord anglais qui se réincarne de nombreuses fois, toujours en quête de beauté. Ses réincarnations nous apprennent combien l’œuvre d'art est question de société... mais aussi qu'elle contient un grain dur, commun à tout ce qui nous touche. Romances inciertos accomplit le même travail : mêlant tant d'épiques et d'identités, tant de styles de danse (flamenco, jota, tarara, processions, danse contemporaine...), il crée une unité artistique baroque à souhait, mais traversée d'un même souffle.



Acte I

Tristeza de un doble a (tango/pasacaille) - Piazzolla
Romance de la doncella guerrera (romance populaire)
Hija mia, mi querida (chanson traditionnelle sépharade)
No soy yo quien veis vivir (villancico du Cancionero de Upssala, XVIe)
Je ne suis pas celui que vous voyez vivre
Folia / Levantate morenita (Lève-toi jolie brune) (folia canaria/alborada asturiana)

Acte II

Sonata 16 (sonate allegro, XVIIIe)
San Miguel (cancion para jueves santo/corri-corri/jota de los laos - Garcia Lorca)
Ay, Amor (air de Horacio, extrait de la zarzuela "Amor aumenta el valor", 1728, José de Nebra)
Rosario (marche pour la Semaine Sainte, 2013, J et CJ Cabeza)
Nana de Sevilla (berceuse) / Folias

Acte III

La Fausse Monnaie (zambra, Cantabrana, Perello, Mostazo, 1936)
Coplas de la Tarara (coplas)
Vertigo (rondeau, Pancrace Royer, 1736)
La Tarara (coplas)

arrangements de Nino Laisné

Crédit photos : Nino Laisné - Hans Lucas.

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